LOVE BOX

Dans cette cabine étroite et placée au centre de la pièce, on peut visionner un striptease aléatoirement choisi : homme ou femme, amateur modérément doué ou grande pro. Pas de quoi invoquer la transgression, ces effeuillages restant somme toute très corrects. Ce qui fait l’originalité et l’intérêt de la machine, c’est la façon dont l’image répond à la voix. Pour commencer à voir, mais aussi pour voir un peu plus, un peu plus longtemps, il faut en effet crier ou élever la voix, si bien que le voyeur doit pour assouvir sa petite pulsion s’offrir en spectacle aux “écouteurs” restés à l’extérieur. Le spectacle n’est pas tant sur l’écran mais dans la cabine, spectacle qui paradoxalement n’est pas à voir mais à entendre. D’un côté donc, un exemple, un de plus, de la disparition du public au profit d’une consommation d’images telle qu’on peut la pratiquer devant la télé, le pc, le mobile, la cabine de la porno-shop, quelque chose qui peut virer assez vite au constat socio quelque chose. De l’autre, au contraire, la reformation d’un public, sur des bases pas nécessairement plus saines, mais néanmoins réelles. Ce n’est pas ce qui est à voir qui fait spectacle, que la nécessité de choisir un moyen d’expression pour voir.

Doit-on mimer le désir, l’excitation, l’extase, la rage, l’autorité, quelque posture que ce soit qui fasse élever la voix? à chacun de trouver sa réponse et de se déshabiller un peu. Celui qui suit dans la cabine a en tête ce qu’il vient d’entendre et cherche alors à se distinguer, à donner sa version, à faire mieux ou autrement, si bien qu’on peut parler d’une réaction en chaîne. Dispositif frustrant, qui offre peu à voir, ne permet pas de se sentir à l’aise même s’il amène souvent à parodier une ambiance de soirée un peu grasse, la LoveBox fonctionne en définitive plus comme une partition pour installation sonore que comme une installation vidéo.

Cette installation sonore est aussi une création collective élaborée par des gens qui ne se connaissent pas nécessairement et ne seront pas nécessairement amenés à se (re) connaître. Cette machine est naturellement loin de l’amour puisque celui-ci est, comme dans les plus belles comptines pop, dans l’air ou tout autour. Pas sûr qu’il s’agisse d’amour, mais le public est là et fait son oeuvre. Quant aux artistes, ils restent à l’écoute, n’aimant rien tant que recevoir le retour de la salle.

Patrick Javault – Octobre 2007
Conservateur au Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg

Captation théâtre du Maillon Strabourg 2007